samedi 31 mai 1997

Ces hommes qui pourraient assurer la relève

Les équipes de Séguin pour demain.


Au début de la campagne électorale, Alain Juppé et Dominique de Villepin s'étaient retrouvés pour préparer en grand secret le futur gouvernement. Un gouvernement resserré autour d'une quinzaine de grands ministres, avec le retour des balladuriens vedettes, Léotard et Sarkozy. On sait ce qu'il en advint.

Philippe Séguin n'a eu ni le loisir ni le désir de semblables conciliabules. Le relais lui a été passé dans l'urgence, en SOS. Le maire d'Epinal lui-même sait bien que sa mission, puisqu'il l'a acceptée, relève de l'impossible exploit. Mais, déjà, autour de lui, se pressent les amis de toujours et les admirateurs de la vingt-cinquième heure, tous ceux qui rêvent d'accrocher à leur ceinture un maroquin.

La composition de ce gouvernement ne sera pas négligeable. Car avec Philippe Séguin à Matignon, qui a une haute idée de ce qu'il veut et doit faire, la Ve République pourrait connaître une situation inédite, où l'inspiration de la politique du pays résiderait à Matignon et non à l'Élysée. Les uns parleront de cohabitation en creux. Les autres rappelleront que Georges Pompidou avait renvoyé Jacques Chaban-Delmas parce qu'il ne voulait pas que « le pouvoir retraverse la Seine ». Mais les troisièmes rappelleront qu'après tout le général de Gaulle laissait une grande latitude d'action à ses premiers ministres. Et que la dérive présidentialiste a commencé avec Georges Pompidou à l'Élysée.

« L'armée rouge »

Le grand retour de Philippe Séguin fut aussi celui d'Alain Madelin. Avec lui, les marchés financiers et les petits et grands patrons sont rassurés. Bercy serait la destination naturelle de celui qui en a été expulsé trois mois après y être entré une première fois en juin 1995. Pour pouvoir enfin mettre au point sa « grande réforme fiscale » dont il parle depuis des années. l y a quelque temps, il se voyait aussi « garde des Sceaux, chargé de la réforme de l'État ». Mais l'Éducation l'intéresse depuis toujours et sa popularité auprès des jeunes pourrait l'inciter à tenter la grande aventure de la rue de Grenelle.

Charles Millon lui aussi rêve depuis longtemps d'entrer rue de Grenelle. Lui plaide depuis longtemps pour une école décentralisée, qui briserait « l'armée rouge » de l'Éducation nationale. Bien qu'en désaccord avec lui sur l'Europe et la décentralisation, Charles Millon est un vieil ami de Philippe Séguin.

Et puis, François Bayrou a hâte de quitter la rue de Grenelle, où il estime qu'il a fait les réformes qui s'imposaient. Le président de Force démocrate se verrait bien au Quai d'Orsay, poste que lui a déjà refusé Alain Juppé en 1995, sous la pression de Giscard. Qui pourrait encore une fois lui barrer la route.

Quelle meilleure garantie européenne, en effet, que Giscard ministre des Affaires étrangères pour le porte-drapeau du « non » à Maastricht, qui sent encore le soufre à Bruxelles et Bonn ?

Dans la série des grands retours, il y a aussi celui de Charles Pasqua. Mais l'ancien ministre de l'Intérieur tient surtout à ne pas retourner place Beauvau pour la troisième fois. Et rêve du ministère de la Défense depuis longtemps. Ce qui empêcherait alors François Fillon de s'emparer de son ministère de compétence. Après avoir « fermé » son ministère des Télécommunications, avec la privatisation de France Télécom François Fillon pourrait obtenir l'Industrie ou le Budget.

De même pour les autres fidèles, les Etienne Pinte, spécialiste des Affaires sociales et de la Famille qui partagerait ses compétences sociales avec un Gilles de Robien au Travail ou Jean de Boishue ou René André, député de la Marne.

L'attelage du grand rival

Avec Boishue s'il parvient à l'emporter dimanche reviendraient peut-être aussi les exclus du Juppé I, Elizabeth Hubert, à la Culture ? et Claude Goasguen, qui a des idées très précises sur un ministère qui regrouperait Coopération, Population et Immigration ?

Et puis, quels balladuriens ? Que deviendront Sarkozy qui partage avec « Philippe » un amour du football et de Léotard, qui n'a pas tardé à démolir l'attelage que le maire d'Epinal formait avec Madelin, son grand rival. Et Edouard Balladur lui-même ? A la Justice ?

Et les fidèles du président ? Jean-Louis Debré restera-t-il place Beauvau ? Et Bernard Pons le remplacera-t-il ? Et Jacques Toubon ? Et Dominique de Villepin ?

Enfin, il y a ceux qui auraient les plus grandes chances de conserver leur siège, en raison de leur réussite et/ou de leur popularité : Guy Drut aux Sports, Philippe Vasseur à l'Agriculture, Jean-Pierre Raffarin aux PME et à l'Artisanat, Anne-Marie Idrac qui serait promue comme ministre plein et entier à l'Equipement. Et Philippe Douste-Blazy, rue de Valois, sur le fil du poignard ?

Eric ZEMMOUR

© 1997 Le Figaro. Tous droits réservés.

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